Les camps : aventures humaines et pédagogiques
Pourquoi les enseignants continuent d'embrasser ces expériences malgré l'énergie qu'ils coûtent.
Samedi 9:42, je me réveille. Quelle bonne nuit ! Il me fallait bien ça 🙂!
Il faut dire que cette dernière semaine a été un peu spéciale : j'étais en camp avec mes élèves !
Le camp, c'est à la fois la semaine la plus attendue et la plus redoutée. Par les élèves. Par les enseignants aussi. Mais pas pour les mêmes raisons.
La vision des élèves
Les élèves s'en réjouissent pour des raisons bien diverses :
Vivre 24h/24 avec leurs copains
Suivre une école bien différente, sans pression et visant bien souvent d'autres compétences que les matières qui occupent la plus grande partie de l'horaire habituel
Jouir d'activités hors du commun ou, au moins, hors du quotidien scolaire
Avoir des temps libres bien plus nombreux avec les copains, souvent dans un environnement riche en jeux et matériel divers
Profiter de bien plus d'activités physiques et qui permettent de se défouler, un grand plaisir pour tous ceux dont la classe plutôt calme est une souffrance plus ou moins aiguë.
Créer des souvenirs extraordinaires, dont ils se souviendront longtemps.
Parfois, la possibilité de vivre ce temps loin des frères et sœurs, voire des parents
Pourtant, d'autres éléments moins saillants partagent la vedette dans les têtes et les émotions de nos élèves :
La crainte de passer une semaine loin de ses parents, de ses animaux de compagnie, de ses peluches - parce qu'on n'a pas pu toutes les emporter dans sa valise. Au fur et à mesure que les jours passent, que les activités s'enchaînent et que la fatigue se fait sentir, cette absence devient de plus en plus présente.
L'anxiété de dormir dans un autre environnement, avec d'autres personnes qui ne seront à coup sûr pas aussi familières que les parents.
La nécessité de retrouver ses repères dans un environnement inconnu, plus grand et plus bruyant.
Les nouvelles habitudes à acquérir, les règles de vie en commun qui différeront certainement de la vie à la maison, le fait de mettre parfois la main à la pâte pour les différents besoins quotidiens (mettre la table, la débarrasser, faire la vaisselle…).
À la fin de la semaine, les élèves qui désirent continuer le camp se comptent sur les doigts d'une main… mais la plupart sont prêts à repartir le lundi suivant, après un week-end auprès de ses proches et de ses peluches. N’est-ce pas cela qu'on appelle internat !?
La vision de l’enseignant
Mais qu'en est-il pour les enseignants ? Pourquoi resignons-nous année après année pour cette aventure qui, nous le savons d'expérience, va nous vider de nos forces bien plus vite que nous pourrons les renouveler ? Bien sûr, dans les meilleures conditions, il y a toute une équipe pour s'occuper des près de 40 élèves (2 classes) avec les enseignants : éducateurs, cuisinières, femmes de maison. Si cela allège considérablement la tâche, le résultat en fin de journée est constant et nous partageons avec nos élèves la fatigue qui s'accumule chaque jour un peu plus.
Je fais des camps depuis plus de 30 ans, durant l'été d'abord, puis avec mes classes. J'ai dû conserver un grain de folie, une envie d'autre chose, un zeste d'aventurier qui sait qu'au-delà de l'effort, il y a un retour sur investissement à moyen et long terme, pour les élèves, pour la classe, et pour soi également.
Je suis en train de préparer une vidéo concernant le climat de classe, la manière dont il est important pour le vivre ensemble et les apprentissages, les manières de le mettre en place et de veiller à sa qualité tout au long de l'année. Partir en camp, vivre toute la journée ensemble, et même la nuit pour les élèves, c'est non seulement une aventure merveilleuse mais c'est aussi un ensemble d'apprentissages qui ne peut se faire que dans ces conditions quelque peu particulières. En effet, lorsqu'un copain nous ennuie, il n'y a pas de pause après l'école jusqu'au lendemain. Il sera encore là à la fin de journée, durant le souper, et peut-être même pour la nuit. L'oubli, qui peut faire redescendre la pression quand on rentre chez soi, n'est plus une option : il faut affronter le problème, en parler, si nécessaire avec un adulte, et progresser dans la relation. Parfois, cela passe par une crise plus profonde, quelques insultes ou des coups… mais dans la plupart des cas, l'issue est une meilleure relation pour chacun, avec des besoins mieux compris.
J'aime aussi les apprentissages que l'on ne peut faire que lorsque l'on vit ensemble. Par exemple, le premier matin, je leur ai parlé de la nuit comme étant la possibilité du corps de reprendre de l'énergie, avec la comparaison de la pile que l'on recharge. Bien dormir permet de recharger ses batteries à 100 % et de bien vivre la journée qui suit. Une mauvaise nuit aura bien vite des incidences sur les heures qui suivront et la manière dont ou pourra en apprécier le contenu. Respecter le sommeil des autres n'est pas un apprentissage que l'on peut effectuer sur le temps scolaire. Par contre en camp, il prend tout son sens. Les élèves un peu bruyants le premier matin l'on bien compris et ont été nettement plus calmes les jours suivants.
Et puis, il y a toutes les activités que l'on ne fait pas à l'école. Parce qu'on n'a pas le temps. Parce qu'on n'a pas le matériel. Parce qu'on n'y pense pas ! Je ne compte pas le nombre de parties de baby-foot que j'ai faites avec mes élèves, là où j'ai pu les encourager pour un beau coup de pied, leur proposer quelques améliorations tactiques mais surtout beaucoup rire et rigoler ensemble. Cela n'a peut-être pas changé grand-chose à leur niveau en mathématiques mais c'est sûr qu'à la prochaine leçon la semaine prochaine, ils me verront d'une manière un peu différente. La grande promenade dans la neige, l'après-midi de bob sur les quelques centimètres de neige fraîche ne remplaceront pas la perspective déçue de longues après-midi de ski, mais ont fait naître une connivence entre les élèves et avec les enseignants que toute une année en classe n'aurait pas pu créer.
Partir en camp, c'est beaucoup de fatigue, c'est un ensemble de journées longues et ininterrompues, surtout lorsque l'on prend les quelques minutes de pause pour écrire le blog et développer les photos que les parents retrouveront à 20 heures tous les soirs mais cela crée des souvenirs et une relation que rien d'autre ne peut égaler.
Alors on en profite à fond ! Et on récupère après ! Et l'on surfera sur cette vague de bons souvenirs pendant des semaines et des mois encore…
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