Réduire le stress de nos élèves en les accompagnant lors des évaluations
Les épreuves cantonales de référence (ECR) arrivant ces prochaines semaines dans la région où je travaille, je me suis penché sur la question du stress chez mes élèves.
A propos des ECR1
Passer une évaluation est souvent stressant pour nos élèves. Ce sont ces jours-là qu'ils manifestent le plus de peur, d’inquiétude, de stress. S'il y a une part inhérente à la situation elle-même - que nous désirons rendre la plus petite possible - nous pouvons agir sur plusieurs volets afin de rendre ces points de passe obligés le moins stressants possible.
Souvent, on peut penser que c'est la manière de faire passer les évaluations, les conditions de celles-ci ou encore la part d'ombre qui les entoure qui augmente le stress de l'élève, un peu comme lorsque nous sommes convoqués par notre hiérarchie sans savoir pourquoi. Pourtant, lorsque mes élèves passent leur test de ceinture de conjugaison ou de livrets, certains sont stressés alors que tous ces éléments sont absents de ce type d'évaluation : le contenu et la forme sont connus, le moment est choisi par l'élève (la plupart du temps), les conséquences d'un éventuel échec est lui aussi connu à l'avance : il faudra continuer de s'entraîner et repasser le test plus tard.
Voici quelques éléments qui peuvent diminuer le stress de l'évaluation, sans pour autant le faire disparaître entièrement.
Préparer l'élève
Annoncer l'évaluation bien à l'avance
La planification de l'évaluation est essentielle. Si le cadre général de l'évaluation indique que l'élève doit savoir que l'activité qu'il effectue est évaluative, de bonnes conditions de passation devraient lui permettre de savoir bien à l'avance qu'il y aura une évaluation tel jour sur telle matière, même s'il n'a pas à se préparer à la maison.
Dans ma classe, j'aime les prévenir de la date au moins 2 semaines à l'avance s'il y a des éléments à revoir à la maison. Je le dis au moins verbalement, je leur donne les objectifs et les critères par écrit. J'aime cette perspective que les élèves s'imprègnent de la matière, des exigences, se préparent mentalement petit à petit, et planifient leurs révisions petit à petit. Régulièrement, durant ce délai, je leur demande s'ils ont déjà commencé à réviser, s'ils ont des questions. Cette année, j'ai eu le bonheur d'avoir plusieurs élèves venir me poser des questions ou demander des précisions sur l'un ou l'autre critère durant les temps calmes. J'aime leur implication, le fait qu'ils se prennent en main, qu'ils deviennent responsables.
Lorsqu'il n'y a rien à réviser à la maison (pour des arts visuels par exemple), je les préviens généralement la semaine précédente. Avoir une interro surprise est toujours une mauvaise nouvelle, source de stress et donc de perte d'une partie de ses moyens.
Mettre en condition
Souvent, mes élèves préfèrent passer les évaluations en début de journée. Je les comprends bien et, à moins d’avoir une bonne raison de ne pas le faire, c'est presque toujours le cas. Au fur et à mesure des années qui passent, j'ai appris que c'est toujours bénéfique de prendre le temps de les accueillir, de vaquer à nos routines matinales, même si l'évaluation est longue. On peut toujours déplacer la récréation s'ils n'ont pas terminé. Ou faire une pause lorsque l'évaluation se prolonge et que les interactions ne sont pas nocives pour l'objectivité de la récolte d'informations.
J'aime leur demander comment ils se sentent, ce qui leur fait peur, ce qui pourrait les apaiser. J'ai toujours quelques élèves un peu crâneurs qui pensent que ce sera trop facile et qu'ils auront vite fini. Ils ont souvent raison mais c'est souvent ceux-là qui échoueront l'un ou l'autre élément à cause de leur empressement ou d'une réflexion un peu trop rapide.
C'est l'occasion de leur rappeler que je crois en eux, que peu importe ce qu'ils ont révisé, c'est le moment de faire avec ce qu'ils savent, que lire les consignes est le plus important, de ne pas oublier de relire, de prendre le temps de refaire les calculs, de vérifier que leur réponse correspond à la question, que le temps n'est pas un facteur d'évaluation (sauf dans les ECR par souci d'uniformité).
Si nécessaire, je leur propose un exercice de respiration, afin de se poser avant de commencer l'épreuve - quel drôle de terme quand même !
Passer l’épreuve
Une fois la classe prête, les élèves placent des classeurs entre eux afin de réduire la tentation de s'inspirer plus ou moins profondément du voisin, et je leur distribue les documents relatifs à l'évaluation.
Lorsque la date et le prénom sont indiqués, je lis et commente les différentes consignes avant de prendre un temps pour répondre à leurs questions. L'objectif ici est que les élèves aient bien compris ce qui est attendu d'eux et qu'ils puissent démontrer leurs compétences de manière adéquate avec les activités proposées.
Les évaluations ayant pour critère la lecture et la compréhension de consignes sont peu nombreuses : lecture, problèmes de mathématiques, … Bien évidemment pour ces domaines, je m'abstiens de leur lire ce dont ils auront besoin pour valider ces critères d'évaluation.
J'aime quand mes élèves m'affirment à la fin de l'épreuve qu'ils étaient bien préparés. Cela signifie qu'eux et moi avons bien travaillé : eux pour la préparation, moi pour la mise au clair des critères, le choix des activités et la formulation des consignes.
Il n'est pas rare qu'après que les élèves ont passé une évaluation, je modifie l'une ou l'autre consigne ou le nombre de points attribués à un item. Cela permettra au travail d'être encore plus pertinent pour la prochaine volée… et pour tous les collègues qui s'inspirent de mes évaluations, disponibles dans la rubrique des cours à télécharger d'ENSEIGNER.org.
Cela nous amène au deuxième thème de cette préparation.
Préparer le contenu
On peut préparer l'élève autant qu'on le veut, si le contenu est flou, peu défini ou pas défini du tout, l'élève subira le stress de l'inconnu. La dernière version du cadre général de l'évaluation indique clairement que les objectifs évalués ainsi que les critères qui permettront de vérifier leur acquisition doivent être connus des élèves.
J'ai l'habitude de définir par écrit et d'étudier avec mes élèves les critères qui soutiendront la prochaine évaluation. Non seulement la compréhension de ceux-ci permet de réduire leur stress mais elle leur permet également de s'impliquer dans l'apprentissage des objectifs, les rendant acteurs une fois de plus de leur évaluation. Donner des critères sans qu'ils soient compris n'a pas grand sens, c'est pour cela que nous en discutons ensemble, afin qu'ils fassent les liens entre ce qui est attendu d'eux et ce qui a été vu en classe. Selon la matière, j'ajoute également quelques numéros de page relatifs aux activités que nous avons réalisées en classe, comme l'a fait ma stagiaire pour son évaluation concernant le bouddhisme dans l'illustration ci-dessous.
Une évaluation centrée sur des critères n'évalue que ceux-ci et non toute une série d'éléments parasites, comme l'orthographe pour la communication de la réponse à un problème de mathématiques, la qualité de l'écriture pour un travail sur la préhistoire ou encore la précision d'un croquis lorsqu'il s'agit d'expliquer comment le calcul d'un périmètre est effectué. De la même manière, les questions pièges, les consignes équivoques ou les activités comprenant un vocabulaire trop compliqué ne servent à rien pour se faire une idée précise des compétences acquises par l'élève.
Il n'est pas rare que, durant les jours qui séparent la préparation de l'évaluation, ils viennent me poser des questions concernant l'un ou l'autre critère. Ils s'impliquent, ils apprennent, une grande part de leur métier d'élève est déjà acquise.
Tous ces éléments sont difficilement réalisables en ce qui concerne les ECR, à cause du grand nombre d'objectifs et de critères traités. C'est pour cela que les conditions particulières de cette évaluation qui seront apprivoisées par quelques réalisations à blanc.
Préparer les conditions
Comment ça se passe ?
On peut expliquer certaines choses longtemps, faire quelques dessins pour remplacer quelques milliers de mots mais c'est par la pratique que les choses sont comprises. S'entraîner sur des épreuves semblables est de loin la meilleure préparation. Je le fais systématiquement pour les ECR, parfois pour d'autres évaluations, comme la production d’écrit.
Lors des corrections collectives, nous réfléchissons bien sûr aux réponses correctes ainsi qu'aux manières d'y parvenir. C’est une occasion assez unique de revoir tout le programme des deux dernières années d’apprentissage à partir d’activités que les élèves auront tenté d’effectuer. Ici, personne ne se couche sur sa feuille, ne parle d’avoir la flemme ou essaie de laisser les autres travailler à sa place. L’enjeu est sérieux, chacun s’en rend bien compte. Mais ce n’est qu’une partie de la raison d’être de ces épreuves à blanc.
Au-delà de la révision générale des matières, nous analysons la manière dont l'évaluation est construite et comment on peut être efficace compte tenu du temps limité à disposition.
Quelles sont les "bonnes pratiques" ?
Tout au long des corrections collectives, nous regardons les éléments qui permettent de valider des objectifs, autrement dit, de gagner des points. Ainsi, généralement, nous sommes d'accord sur le fait que :
faire l'évaluation dans l'ordre du début à la fin est une bonne idée, en sautant les exercices qui paraissent plus compliqués ou qu’on ne comprend pas du premier coup.
ensuite, il faut essayer de faire les exercices qui ont le plus gros capital de points afin de ne pas en perdre trop gros l’on n’arrive pas à tout terminer dans le temps imparti.
tous les espaces doivent être remplis, y compris s'il s'agit d'écrire un calcul que l'on pourrait faire de tête ou d'une étape qui ne paraît pas requérir une mise par écrit.
généralement, pour les problèmes de mathématiques, il faut indiquer un ou plusieurs calculs, ainsi qu'une phrase réponse qui comprend un nombre et une unité.
Tout cela pourrait être dit en amont, mais les élèves l'intègrent bien mieux lorsqu'ils le vivent, qu'ils arrivent effectivement à court de temps - heureusement pas tous - et qu'ils doivent choisir ce qu'ils feront ou non, que lors du décompte final des points, ils doivent mettre "0" à plusieurs questions simplement à cause d'un problème de gestion des minutes à disposition.
Nous sommes bien d'accord que tous ces éléments ne sont pas en lien avec les objectifs, encore moins des critères d'évaluation. Comme dit plus haut, ces évaluations standardisées ont un objectif à la base bien différent que d'évaluer positivement nos élèves. Étant donné leur forme particulière, je trouve normal d'aider mes élèves à s'y adapter.
S'entraîner, corriger, comprendre, s'entraîner encore…
Tous les deux ans, c'est la même histoire : les élèves ont peur des ECR, ils passent la première épreuve à blanc en se disant que ce n'est pas si difficile que cela, mais qu'il leur manque du temps, puis progressent en se prenant au jeu et en comprenant les enjeux de cette forme d'évaluation. Finalement, ils seront prêts à donner le meilleur d'eux-mêmes et à certifier toutes les compétences acquises, indépendamment de la forme un peu brutale de l'évaluation… ce qui reste l'objectif principal de toute évaluation.
Bachotage ? Non, adaptation ! Étant donné que les évaluations en classe n'ont pas le même format, en termes de contenu et de cadre, il me semble légitime de les aider à s'acclimater à une autre manière d'être évalués… Au-delà des seuls ECR, cela les prépare également à d'autres formes de vérification des acquis, comme ils en feront l'expérience dans leurs futures années d'école.
Je pourrais, à l'opposé, choisir d'utiliser le cadrage type des ECR pour toutes mes évaluations mais comme l'explique très bien Raphaël Pasquini dans son livre et comme je l'explique dans ma vidéo sur le sujet, un certain nombre d'éléments importants à mes yeux ne sont pas possibles avec cette forme d'évaluation. Je préfère donc user d'autres formes durant les 2 ans (et environ 70 évaluations!) que je passe avec mes élèves, et ensuite les adapter pour ces 4 évaluations (qui feront une note en mathématique et une note en français).
Ainsi, si le stress reste inhérent à la plupart des situations d'évaluation, à l'école comme dans la vie d'adulte, l'élève, les parents et les enseignants ont la possibilité de le faire diminuer en levant un maximum le voile sur l'inconnu qui les entoure et en démystifiant l'angoisse qui les embrume.
Et vous, comment préparez vos évaluations et comment accompagnez-vous vos élèves dans leur passation ?
Les ECR sont des épreuves qui ont lieu en 4P, 6P et 8P (environ 8, 10 et 12 ans) dans le Canton de Vaud (Suisse Romande). Tous les élèves passent le même jour la même épreuve qui sera corrigée selon des critères stricts afin qu'elles puissent donner un monitorage des élèves des différents établissements du canton.