Pourquoi je fais les choses ?

Pourquoi faisons-nous les choses ? Par réflexe (habitude) ou par réflexion ?

Je m'étais proposé de suivre tout ou partie de la formation à l'utilisation de l'intelligence artificielle générative que j'ai achetée à Matthieu Desroches il y a quelques jours… Je n'en ai rien fait et je termine ma journée plongé dans le livre - numérique - de Pierre Rabhi dont vous avez certainement entendu parler : Vers la sobriété heureuse. Si, comme moi, vous pensez qu'il s'agit de fuir la société de consommation, d'avoir moins et de s'en contenter, je pense que vous passez à côté du message central. Plus, vous restez dans une idéologie consommatrice et économique.

Tout au long de son livre, Monsieur Rabhi décrit les conséquences du tout à l'économie moderne et de l'adoration du dieu dollar. Jésus en parlait il y a 2000 ans, l'auteur moderne nous en dépeint la dure réalité par l'exemple. Lorsque le profit, la richesse, le compte en banque et la provision à outrance prennent le contrôle d'une vie ou d'un mode de vie, tout part à volo. Tout ce qui était cher aux générations précédentes disparaît, sacrifié sur l’autel de la divinité monnaie dont nous ne retirons que bien peu de bienfaits, pour ne pas dire que, parfois, nous sommes nous-mêmes sacrifiés également. La nature, les relations, le temps, la paix, la joie, le partage, l'hospitalité, toutes ces valeurs dont bien peu de gens dénigreront l'importance est détruit, parfois avec force et fracas, pour gagner plus, travailler moins et passer son temps à des loisirs peu édifiants lorsqu'ils ne sont pas éminemment destructeurs.

Mais pourquoi est-ce que je vous parle d'économie et de perte des richesses ancestrales dans ce blog lié à l'enseignement et aux enseignants. Et pourquoi cette question en introduction ? Tout simplement, parce que si, au niveau économique, nous posions plus souvent cette question "Pourquoi?", nous ferions des choix différents. Si nous nous interrogions nous-mêmes sur la raison pour laquelle nous allons au supermarché en périphérie plutôt qu'à l'épicerie de la rue d'à-côté ou au marché à la ferme sur la colline, et que, de pourquoi en parce que, plusieurs fois durant (selon la méthode des 5 pourquois) nous remettions ce qui est établi, nous arriverions bien vite aux racines de nos raisonnements, aux raisons invisibles et quelques fois tordues qui régissent nos actes quotidiens bien plus que nous le pensons.

Et il en va de même dans nos classes. Voici quelques pourquois pour commencer l'exercice :

• Pourquoi est-ce que je donne au moins une fiche de mathématiques et une fiche de français chaque jour en devoirs à mes élèves ?

• Pourquoi est-ce que je ne prends pas le temps chaque matin de demander à mes élèves comment ils se sentent ?

• Pourquoi je ne prolongerais pas la récréation aujourd'hui qu'il fait si beau et chaud ?

• Pourquoi je ne propose pas des temps d'activités libres aux élèves ?

• Pourquoi faut-il toujours avoir au moins une heure de mathématiques et une heure de français tous les matins ?

• Pourquoi le dessin, c'est toujours le (vendredi) après-midi ?

• Pourquoi l'école, c'était mieux avant ?

• …

J’ai répondu é quelques pourquoi et changé quelques-unes de ces - mauvaises - habitudes mais voici mon cheminement sur un autre "Pourquoi” qui a eu raison de ma pédagogie pendant bien des années.

Parfois, les réponses à nos pourquois sont bien conscientes : “Je ne passerai pas aux plans de travail, aux travaux de groupes ou aux ceintures de compétences parce que je ne saurai pas gérer tous ces élèves qui travaillent des activités différentes en même temps.”

• Pourquoi ? Parce que je ne leur fais pas confiance pour effectuer leur travail correctement.

• Pourquoi ? Parce qu'ils ne sont pas disciplinés.

• Pourquoi ? Parce que je l'ai vu dans ma classe, chaque année, au moins de la part de 2 ou 3 élèves.

• Pourquoi ? Parce qu'ils n'arrivent pas à se concentrer, parce que l'école ne les intéresse pas, parce qu'ils ne s'investissent pas.

• Pourquoi ? Parce que leur vécu hors école est trop prégnant, parce qu'ils ont besoin d'une relation qui soit plus développée avec l'adulte pour pouvoir s'y mettre ?

C'est un exemple de parcours… que j'ai effectué inconsciemment ces dernières années, pour me rendre compte qu'en fait, seuls quelques élèves auraient besoin d'un accompagnement particulier alors que tous les autres bénéficieraient grandement de la liberté et de l'autonomie dont ils bénéficieront. Si vous lisez mon blog depuis assez longtemps, vous savez que je suis passé aux plans de travail et, plus récemment, aux ceintures de compétences.

Pour en revenir à nos quelques exemples plus haut, je suis convaincu qu'au bout du 5e pourquoi, nous serions certainement très proches des raisons qui nous poussent à faire des choses semblables pour des (mauvaises) raisons semblables. Le fait d'en prendre conscience est déjà un pas dans la bonne direction. Nous ne pouvons bien sûr pas tout changer, de par le système dans lequel nous fonctionnons, à cause du temps de l'énergie et des moyens qui sont limités… Pourtant, se rendre compte des présupposés qui dirigent nos comportements, souvent ancrés dans des ornières que les habitudes ont tracées, nous donne un sursaut, et peut-être l'envie d'en sortir quelques fois. Un peu plus souvent. Et de mettre quelques graines de folie dans notre vie de classe.

Bien sûr, nous ne pouvons pas nous arrêter pendant quelques mois pour réévaluer nos pratiques, nos routines et nos principes pédagogiques… heureusement, nous pouvons continuer à fonctionner comme jusqu'à présent pour beaucoup des actes que nous posons régulièrement mais, lorsque nous sentons que quelque chose ne va pas, ne va plus ou ne nous correspond plus, souvenons-nous de la règle des 5 pourquoi. Et mettons-la en pratique.

Pour trouver des solutions qui résolvent vraiment le problème.

Parce que nous y aurons réfléchi en profondeur.

Parce que nous aimons nos élèves et que nous désirons le mieux pour eux.

Parce que nous sommes des enseignantes et des enseignants passionnés !