Les meilleures idées sortent toujours de l'action
Tant qu'une idée reste dans notre tête, il ne se passera rien ! C'est lorsque nous faisons l'effort de la mettre en pratique que nous découvrons son vrai potentiel.
Ce matin, c'était le dernier jour de mes stagiaires. Étudiants de première année à la Haute École Pédagogique de Lausanne, ils terminent leur première année après être passés de l'autre côté du bureau : ils ont découvert la face cachée du métier, tout ce qui ne se voit pas lorsqu'on est élève, mais qui fait bel et bien partie du métier.
Leur plus grand bonheur durant leur stage (et certainement une angoisse presque aussi importante) a été d'enseigner. Rapidement. Beaucoup. Régulièrement. C'est en forgeant qu'on devient forgeron, c'est en enseignant que l'on devient… enseignant !
J'ai toujours eu cette tendance à plonger dans l'action, dans l'essai, avec ou sans erreur (avec le plus souvent!). La théorie, c'est bien, c'est même parfait : tout fonctionne bien en théorie ! - mais c'est lorsqu'on se confronte à la réalité, lorsqu'on fait atterrir ses grandes idées dans sa classe que l'on se rend compte de ce qu'elles valent vraiment.
Dès le début de l'année, j'avais annoncé la couleur : vous allez enseigner !
Personne n'a réussi sans essayer
On parle bien plus souvent de ceux qui ont réussi que de ceux qui ont échoué. Surtout en francophonie européenne. Pourtant, comme au loto, 100 % de ceux qui ont réussi ont tenté leur chance, ont choisi d'essayer et de marcher sur l'eau à leur manière.
Apprendre à marcher ne se fait qu'en tombant quelques centaines de fois. On ne peut nager qu'après avoir bu des tasses, peut-être même des baignoires. Rares sont les cyclistes ou les skieurs qui ont passé leurs premières heures sans tester la loi de la gravité.
La différence entre les bonnes idées et les pratiques efficaces, c'est la mise en œuvre de nos projets, le passage du rêve à la réalité, de l’idée à l’action. Toute passion nécessite tôt ou tard de passer à l'action.
C'est en échouant - et en réfléchissant sur nos actions, cette fameuse métacognition - que l’on s'améliore et que, parfois, on réalise ses plus beaux projets.
Faire fonctionner, améliorer ensuite
C’est le slogan de Julien Guéniat de l’Organisologie. Parfois, la préparation est minutieuse, longue, mûrie tant et tant… et puis vient le moment de plonger. Je n'ai jamais eu une leçon qui était parfaite sur le papier et tout aussi parfaite dans la réalité. C'est de la confrontation de nos vues avec la réalité que vient la qualité. Il faut accepter de commencer simplement, en étant plus réjoui d'être - enfin - passé à l'action que d'avoir vécu le Saint-Graal de l'enseignement.
Dès qu'un projet, une idée de leçon ou de scénario pédagogique contient les éléments essentiels, il devrait être confronté à la réalité. C'est de cette manière qu'il pourra être jugé : mauvaise bonne idée, passable, perfectible, à peaufiner !
J'ai des exemples pour tous ces niveaux de réussite - ou d'échec !
Mauvaise bonne idée
Il y a quelques années, fort d'une expérience relevée dans l'école de mes filles - que je considère être d'une certaine manière une pépinière pour mon enseignement - je me suis lancé dans des ceintures de comportement sur 20 niveaux. L'idée était très bonne, l'objectif était louable, mais avec 22 élèves, c'était tout simplement irréaliste : impossible de les observer précisément pendant la semaine pour pouvoir valider leurs niveaux. J'ai laissé tomber… peut-être jusqu'à ce que je découvre de nouvelles modalités pour la mise en œuvre de ce projet.
Passable
La première édition de mes plans de travail généralisés - dont je ne vous ai finalement jamais parlé - n'a pas été une grande réussite. Certes, ils étaient mus par un principe très louable, celui de donner plus de liberté, d'autonomie et de responsabilité à mes élèves. C'est certainement cette vision qui m'a donné envie de persévérer dans cette pratique et de l'améliorer d'année en année jusqu'à ce qu'elle devienne finalement assez aboutie.
Perfectible
Durant ces 4 dernières années, j'ai étudié et documenté la nouvelle méthodologie de mathématiques que nous avons reçue. Ma volée actuelle a testé la première version des plans de travail qui sont un excellent outil au service des apprentissages et de la différenciation.
Par contre, l'utilisation de ces outils doit encore être améliorée, d'un côté par plus d'accompagnement de ma part pour les élèves les plus faibles, en visant plus spécifiquement ce dont ils ont besoin, d'une autre part en ajoutant des éléments plus ouverts, mettant en œuvre des niveaux taxonomiques plus élevés pour les élèves les plus avancés. C'est déjà en réflexion pour l'an prochain.
À peaufiner
Il y a deux ans, je lançais mes ceintures de compétences : un projet fou, que j'avais repoussé pendant des années. Certainement autant à cause du travail de mise en œuvre que de la gestion nécessaire. En préparant cette rentrée de 2022, j'avais envie de nouveautés, de prendre des risques également. Le moment était venu de me jeter à l'eau. Et bien sûr, tout n'était pas prêt : 50 plans de travail, 100 fiches de Lexidata, 200 tests… ça ne se prépare pas en quelques jours. Mais le projet était balisé, la liste des besoins était établie et j'ai retrouvé cette vaillance des premiers jours en préparant parfois le niveau suivant le soir pour le lendemain, pour mes quelques élèves avancés.
Alors que je termine ce projet avec ma première volée qui en aura été les cobayes, il y a quelques éléments à améliorer, mais, récoltant le fruit des expériences passées et apprenant de mes erreurs, beaucoup d'éléments sont reconductibles tels quels pour mes prochains élèves. Seuls quelques ajustements dans les documents, les délais et l'institutionnalisation devront être effectués.
Garder le bon, rejeter le reste
Lorsqu'on débute dans le métier, on a tout à construire. On prend toutes les idées qui passent, on construit pendant des heures nos planifications et séquences d'apprentissage. C'est de la folie, mais nous sommes des passionnés ! Tout au long des années qui suivent, on glane ici et là de bonnes idées. Parfois, on suit des formations que l'on mettra en presque immédiatement en pratique, on écume les réseaux sociaux à la découverte de manières plus ludiques d'enseigner l'une ou l'autre matière, d'idées d'art visuel ou de bricolage plus motivantes et plus créatives… jusqu'au jour où on se rend compte qu'à la peur du vide succède la crainte de ne pas tout terminer. C'est le moment de faire du tri. Certes, le plan d'études restera la colonne vertébrale de notre planification, mais la manière dont nous le mettrons en œuvre, les activités que nous proposerons aux élèves seront à choisir dans notre énorme catalogue de ressources. Certaines de nos créations, que nous avons bien aimées pendant un temps, seront mises de côté, avant peut-être d'être redécouvertes quelques années plus tard. D'autres thèmes nous donneront envie de nous replonger dans la création, l'exploration, la mise sur pied de quelque chose de nouveau, de plus frais, surtout pour nous qui enseignons peut-être cette leçon spécifique tous les deux ans depuis longtemps… Pour les élèves, ce sera toujours la première fois. S'ils se lassent, c'est plus souvent de notre lassitude à redonner pour la énième fois la même leçon que de leur ennui.
En conclusion, il est indéniable que l'expérience pratique est le véritable pilier de toute progression, particulièrement dans le domaine de l'enseignement. L'acte d'enseigner n'est jamais parfait dès le départ; il s'affine, se renforce et s'enrichit de chaque expérience, de chaque projet essayé, ajusté, parfois abandonné, souvent amélioré.
En fin de compte, l'enseignement est une quête incessante, un équilibre perpétuellement ajusté entre la passion de créer, la patience d'améliorer et l'humilité d'apprendre de ses erreurs. Ce chemin n'est jamais linéaire, il est parsemé d'apprentissages multiples et variés, mais c'est en acceptant de se lancer dans l'inconnu et de confronter ses idées à la réalité que nous pouvons espérer atteindre l'excellence.