J'ai tout faux !
J’enseigne depuis plus de 25 ans. J’ai été formé à Bruxelles dans une école qui faisait la part belle au constructivisme ainsi qu'au bon sens : la meilleure pédagogie est celle qui vous convient !
Pendant toutes ces années, entre la Belgique et la Suisse, j’en ai vu passer des programmes d’études et des manuels scolaires. Privés, publics, au choix ou imposés, ils avaient tous des éléments intéressants - même si pour certains, il fallait chercher longtemps 🙂 ! - et des limites qui me permettaient d'explorer d'autres pistes. De toute façon, suivre un manuel n'a jamais été ma tasse de thé, au point que durant ma première année d'enseignement, j'ai écrit jour après jour ma méthode de lecture. Sans internet. Sans banque d'images pendant plusieurs mois, avant d'en trouver une sur CD-ROM chez Accès Éditions, une révolution à l’époque, en passant bien souvent mes soirées sur l'ordinateur afin que le cours du lendemain soit prêt. Mais aussi avec cette fierté de pouvoir présenter à mes élèves une version toute chaude de mon dernier bébé. C'est là aussi que j'ai pris le réflexe d'annoter et de corriger immédiatement les erreurs, les coquilles ou encore les imprécisions que j'avais rencontrées dans mon enseignement - mes élèves étaient tout fiers d’être les cobayes !
Oui, mais voilà, tout ce que je faisais, je le faisais avec ce que j’avais appris, découvert, entendu, vu… c’était peut-être bien pour l’époque mais c’est franchement dépassé aujourd’hui. Non pas que mes élèves aient échoué à cause de moi mais que ma manière d’enseigner ne leur a pas toujours permis d’apprendre avec la plus grande clarté et de la manière la plus adéquate.
Mais je ne suis pas là pour m’autoflageller, d’autant plus que tout au long de ces années, j’ai toujours cherché et essayé de mettre en œuvre le plus rapidement ce que j’avais appris. Avec les plans de travail par exemple. Et puis, maintenant que j'ai enfin cessé de courir à éteindre les incendies et que j'ai pris la décision de choisir mes combats, je cherche intentionnellement du côté duquel je sens qu’il y a de l'avenir : éducation numérique, intelligence artificielle (IA pour les intimes), compétences psychosociales, neurosciences,...
J’ai rencontré Guillaume Bousquet il y a quelques années à l’école de mes filles et je me suis dit que, le moment venu, il fallait que j’en sache plus sur les projets didactiques qu’il met en place à partir de son étude approfondie des neurosciences. C’est ce que je fais actuellement à dose trop homéopathique mais cela me permet de commencer malgré mes multiples autres casquettes et chevaux de bataille.
Je le sentais…
Lorsqu’on enseigne depuis un certain nombre d’années, et peut-être particulièrement si on reste dans les mêmes niveaux, on sent que certaines matières, restent des lieux de friction et que l’acquisition de ces notions est précaire pour les bons élèves, hors de portée pour d’autres. On commence par se dire que c’est de notre faute, qu’on ne sait pas s’y prendre, qu’on n’a pas les bonnes méthodes, que la séquence n’est pas assez structurée, concrète, illustrée… et puis on commence à sentir que le problème est ailleurs, du côté du programme qui met les chevaux avant la charrue. C’est ce que je me disais pour l’analyse de phrases, c’est ce que Guillaume a confirmé hier soir lors du webinaire consacré à la grammaire.
Comprendre et apprendre de ses erreurs
Les deux webinaires que j’ai suivis (et j’attends avec impatience le suivant ont mis en lumière quelques éléments concernant l’orthographe et la grammaire, des erreurs que je commets encore, des éléments que le bon sens m'a permis de mettre en place et qui sont justifiés par les neurosciences.
Demander aux élèves de se poser des questions alors qu’ils n’ont pas compris le sens - peut-être très simple - de la phrase. La compréhension doit être une base solide avant de pouvoir travailler sur ce qu'on a lu ! Je le savais, c'est confirmé !
Accompagner dans la compréhension. Je savais depuis presque toujours que la question « Vous avez tous compris ? » est plus rhétorique que réelle. Mais comment dépasser cela ? Redire. Reformuler. Réécrire. De manière systématique. Avec toutes les consignes. Y compris à la maison. Jusqu’à ce que l'enfant le fasse de manière autonome.
Les moyens mnémotechniques font l'impasse sur la compréhension profonde. La claque de la soirée ! Comme je suis fier que mes élèves utilisent les trucs que je leur propose et qu'ils puissent accorder correctement leur finale en é/er ou les différents homophones du programme. Pourtant, ils ne comprennent pas forcément le sens de chaque mot, c'est un apprentissage de surface, qui risque de craqueler à la prochaine étape.
Le vocabulaire grammatical doit être encadré d'une manière toute particulière. Sortant généralement du vocabulaire courant, ou ayant un sens bien différent quand il s'en inspire, le vocabulaire de la grammaire est un monde en soi. Il doit être défini et utilisé en tant que tel, comme lorsque l'on parle de jeu vidéo, de Narnia ou de mécanique.
Ralentir ! Les programmes scolaires sont de plus en plus remplis. On a même des compétences qui n'ont pas de place à l'horaire et qui doivent être enseignées au moyen des matières traditionnelles ! Le rendement n'a pas seulement lieu dans l'entreprise, l'école a pris le relais il y a bien longtemps. Pourtant, nous n'avons ni des robots ni des machines : nous avons des êtres humains, dont l'apprentissage intellectuel n'est qu'une partie de la vie et pour qui le temps n'est ni compressible, ni extensible, ni dédoublable ! Un apprentissage de qualité prend du temps. En lançant les ceintures de compétences en début de cycle, j'avais fait le choix de la qualité (chacun avance à son rythme) au lieu de la quantité (l'enseignant divise la matière selon les semaines de cours et tout le monde apprend au même rythme). Je le savais, ça fait du bien de l'entendre !
Comprendre, c’est se faire des images (réelles ou mentales). Comme j'aime cette image ! Comprendre, c'est pouvoir se représenter, schématiser, dessiner. Pour moi qui suis plutôt visuel et qui me libère de plus en plus pour utiliser cette partie de mon cerveau, c'est une explication de l'apprentissage que j'apprécie tout particulièrement. Pour la petite histoire, je me suis très rarement autorisé à prendre des notes autrement que sous la forme de texte. À la faveur d'un nouveau matériel électronique, je me suis dit que je pouvais tenter ma chance pour ces webinaires. Et je suis conquis !
De pépites en attitudes
Des pépites dans ce genre, je pourrais encore vous en partager plein. Mais là n’est pas le but de ce billet. Au-delà des claques et des confirmations de ces webinaires en particulier, je me rends compte de plus en plus que mes intuitions, mes aspirations, mes ressentis doivent prendre plus de place - et les injonctions externes demeurer dans leur rôle de cadre ! - qu’il vaut mieux des données de base bien mémorisées et des compétences - importantes - bien posées afin que nos élèves puissent continuer de se construire, avec ou sans l’école, puisque comme le dit André Tricot, ce qui est important tout de suite, on l’apprend tout seul !
Puisque j'ai la chance de commencer un nouveau cycle avec de nouveaux élèves à la rentrée, je vais tenter, une fois encore, de le préparer avec ce que j'aurai appris, de mettre en place un environnement d'apprentissage, un contenu et des méthodes qui permettent à tous les élèves de progresser, en enlevant le plus possible les embûches, en leur facilitant la tâche afin qu'ils puissent se concentrer sur l'essentiel.
J’ai partagé quelques-unes de mes autres aspirations d’enseignant sous forme de rêves dans cette vidéo, je vous laisse continuer le parcours si le cœur - et le temps - vous en dit.
Et pourquoi ne pas me rejoindre pour le prochain webinaire de Pédagovie ?