Heureux en classe comme en vacances
Et si on ne retournait pas en classe comme avant mais qu'on changeait de mentalité pour changer d'habitudes ?
Ralentir : chaque fois j’y pense, et puis le travail reprend le dessus, avec tellement de pression qu’après une semaine d’école j’ai l’impression que les vacances sont déjà loin derrière. Pourtant, j’aimerais tellement, après avoir ralenti, garder ce rythme humain, qui me tient vivant et content de faire ce que je fais.
L’illusion
Depuis l’arrivée des congés payés, notre société oppose les temps de travail avec les temps de repos. Les premiers le plus souvent décriés, les seconds pour faire passer les premiers, une année entière à aspirer à ces quelques semaines de vacances, au chaud ou dans des pays lointains. Pas étonnant que la vanlife et les modes de vie alternatifs aient pris tant d’essor ces derniers temps.
Pourtant, je continue à croire que l’on peut vivre sans cette dichotomie : que l’on peut apprécier son travail - c’est souvent le cas - et gérer les obligations qu’il entraîne le mieux possible, au moins dans la tête quand les journées et les semaines sont très longues. C’est l’aspiration à laquelle je tends depuis des années, qui est souvent mise à mal par les envies du moment, parfois les nécessités ou les obligations.
C’est une illusion de vouloir vivre des vacances pendant ses semaines de travail. Ce n’est pas dans les actions que se situe d’abord le ralentissement tant désiré, c’est dans la tête, dans la manière de voir les choses, dans l’interprétation que nous donnons aux circonstances et aux actions.
Ensuite, la loi de Parkinson - rien à voir avec la maladie du même nom - enseigne que le travail s'étend de manière à occuper tout le temps disponible pour son achèvement. En d’autres termes, réduire la durée de certaines tâches chronophages pour les remplacer par du temps libre, du sport, des moments en plein air, des rencontres avec ses amis et sa famille ou même tout ça en même temps est un moyen de concilier les deux extrêmes de cette tension : un travail intense et des activités récréatives.
La grande difficulté de notre profession est que l'on n'a jamais fini, que l'on ne compte pas nos heures, que l'on peut travailler autant en classe, qu’à la maison, en déplacement ou encore en vacances et que, lorsqu'on choisit de ne plus travailler, notre cerveau continue de le faire ! Dire que dans l'inconscient populaire, les enseignants sont souvent perçus comme des fainéants !
Travailler toujours plus ?
Ce à quoi j’aspire - et peut-être vous aussi - c’est d’avoir une vie apaisée : plus de sérénité, moins de différences entre les temps de travail et les temps de repos.
Bien sûr, il y en aura toujours et je ne considère pas le transfert de l’un à l’autre comme étant une bonne solution. Cela passe par un changement des pratiques mais débute par un changement de la manière de penser. Il y a quelques années, Nicolas Sarkozy encourageait les Français à travailler plus pour gagner plus. Au grand dam de certains ! Comme si on pouvait toujours faire plus. Et bien le vivre ! Je ne juge pas les réalités des autres professions que je connais peu mais, en ce qui concerne l’enseignement, je dirais plutôt travailler moins pour vivre mieux.
C'est à moi que je parle en premier ! Parce que dans mes compréhensions, et dans une bonne partie de notre société - suisse ! - plus on travaille, plus on est respecté. Essayez de placer dans une conversation que vous travaillez 30 heures par semaine ou dans une autre que vous dépassez les 50 heures et vous verrez les réactions ! Ça se passe dans la tête d'abord. Je suis bien plus fier de me dire que, cette semaine j'ai travaillé 60 heures que de me souvenir que j’ai passé du bon temps avec des amis, dans la nature ou à ne rien faire.
Ce que nous pensons pour nous, nous le transmettons à notre entourage, à nos enfants et à nos élèves. Travailler plus pour gagner plus, c'est ce qui a conduit à ce capitalisme impitoyable pour lequel il n'y a que l'argent qui compte et ce qu'il permet de faire. La maxime qui dit le temps, c'est de l'argent vient de cette même racine.
Faire des choix
Mon aspiration n’est pas seulement de travailler moins et d’être fier de réussir, c’est surtout ce que je vais mettre à la place de ces heures de travail : du temps avec mes enfants, mon épouse… et pour moi aussi.
Je ne compte pas le nombre de fois où je renonce, le mercredi après-midi, à aller faire un tour en vélo parce que j'ai trop de choses à faire. Ce n'est pas seulement dommage, c'est surtout un mensonge.
Julien Guéniat a cette belle formule : ce n'est pas une question de temps mais de priorités. Nous trouvons toujours le temps de faire ce à quoi nous aspirons si nous arrivons à dire non aux autres choses. À nous-mêmes d’abord. Nous sommes notre premier bourreau.
La plupart des tâches que nous effectuons sont dictées par un livre - ou un site internet : le programme scolaire.
C’est nous qui choisissons ce que nous en faisons, comment nous le transformons en séquences et séances didactiques, si nous préparons tout le petit matériel pour les élèves ou si nous les laissons le découper eux-mêmes ou encore, peut-être la meilleure solution, si nous le préparons une fois pour toutes, en faisant l’effort supplémentaire de le rendre réutilisable.
C’est encore nous qui décidons si nous reprenons la leçon de la fois passée, qui avait bien fonctionné, ou si nous remettons l’ouvrage sur le métier, pour la 5e fois.
Même pour les tâches externes, comme les rendez-vous de parents ou les groupes de travail, nous avons une certaine latitude pour les contenir dans le temps, à défaut parfois de les rendre agréables.
Moins… mais mieux !
Dire oui
Pourtant, bien souvent, le choix ne se situe pas au niveau de ce que l’on ne veut pas faire mais au niveau d’accepter des tâches non professionnelles.
Je me souviens de ce premier avril, un mardi, un jour de semaine, d’une semaine très pleine après un week-end fantastique mais qui nous a mis sur les genoux. Nous avions choisi d’inviter à souper des amis que nous n’arrivions pas à voir un autre moment. Une folie ! Pourtant, qu’est-ce que nous avons apprécié passer ce temps, de discussions et de rires !
Une autre fois, pendant une matinée de travail à domicile, alors que notre dernière était encore haute comme trois pommes et n’avait pas école le mercredi, j’ai tout arrêté pour profiter du moment. Ce souvenir est encore vivant dans ma mémoire. Bien plus que toutes les activités professionnelles que j'aurais pu effectuer pendant ce temps.
Alors que nous avons appris, plus ou moins forcés, à dire non à plein de choses parce que nous avons du travail, j’aimerais apprendre à dire oui à de belles activités, et renverser la loi de Parkinson : le travail sera toujours effectué dans le temps que nous lui laissons !
La résolution
J’aime préparer mes cours, les diffuser, les améliorer… envisager de bons moments pédagogiques, passer du bon temps avec mes élèves et leur préparer des temps d'apprentissage souvent passionnants et actifs. Mais ce n'est pas toute ma vie !
Au lieu de définir en préambule que je refuserai telle ou telle tâche, que je réduirai dorénavant le temps que je désire allouer à telle préparation ou telle réflexion, je choisis plutôt de…






Sans me reprocher de ne pas en avoir fait assez. Contractuellement. Déontologiquement. Et pernicieusement pour mes élèves !
Et d'apprécier autant mes semaines de travail que mes semaines de vacances parce que la vie coule dans les deux. Différemment.
Peut-être que, finalement, cet article, je ne l’ai écrit que pour moi… et que vous ne vous y retrouvez pas du tout, que vous ne vous sentez pas concerné, même pas un tout petit peu. Je suis désolé d’avoir ainsi divagué dans mes réflexions. Promis, la prochaine fois, je vous parlerai de vous !
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