Est-ce que la mayonnaise prend ?
Débuter année, c’est un peu comme sauter du télésiège pour commencer à skier.
Pour moi qui ne suis pas un skieur expérimenté, c’est toujours un peu stressant d’effectuer ce petit mouvement des reins même s’il n’y a que quelques centimètres qui séparent les skis de la neige. C’est chaque fois une surprise… mais la plupart du temps, ça se passe bien.
Ou comment préparer une bonne mayonnaise maison ?
En classe, on tente d'assembler des éléments qui, de premier abord, ne vont pas ensemble. Les élèves, d’un côté, et leur aspiration à jouer, à construire à inventer, selon leur idée du moment. Les enseignants, de l’autre, avec leur programme chargé, les évaluations nombreuses et les injonctions du plan d’étude. Comment est-ce que l’on va mélanger tout cela pour avoir une mayonnaise qui prend, une vie de classe agréable, une année scolaire qui soit bien vécue par petits et grands ?
Quand on regarde la mayonnaise de très près, on voit qu'elle est pleine de gouttelettes d'huile. Ces gouttelettes sont si petites qu'on ne peut pas les voir à l'œil nu, mais elles se repoussent les unes des autres pour que la mayonnaise reste bien mélangée.
Ces gouttelettes d'huile, ce liant, cet élément principal qui va lier les élèves et l’enseignant, et permettre à ce dernier de les emmener dans les apprentissages, c’est la relation. On en a déjà parlé dans ce blog, en particulier dans les 3 éléments liés à la conception universelle de l’apprentissage.
Pour que la mayonnaise de la classe réussisse, on peut mettre en avant quelques principes, à utiliser avec sagesse et un dosage adapté, de la même manière que l'huile est introduite petit à petit dans le mélange de jaune d’œuf et de vinaigre. Mais c'est toujours une mayonnaise maison, on ne se retrouve jamais deux fois dans la même situation. Il faut relativiser, adapter, improviser.
L’humain avant le pédagogique et le technique
Quand j'ai commencé un nouveau poste, il y a bien des années de cela, notre coach de nouveaux enseignants nous a donné quelques éléments, simples et efficaces, pour une journée scolaire réussie. Celui qui m'a le plus marqué, peut-être parce que je suis un peu perfectionniste, c'est celui-ci : quand la cloche sonne, que vous soyez prêts ou non, le plus important, c'est l'élève !
Retrouvez d’autres bonnes idées que j’aurais aimé connaître plus tôt dans cette vidéo
Avant de se plonger dans des outils et méthodes pédagogiques, il est important que chaque élève se sente vu et entendu. Nos élèves ne sont pas de simples récepteurs d'information, mais des individus avec leurs propres aspirations, craintes et talents. En créant un climat de confiance et de respect mutuel, nous établissons des bases solides pour un apprentissage efficace et enrichissant.
Le vivre ensemble avant les matières
Avant de plonger dans le programme, créons un environnement où chacun se sent en sécurité pour s'exprimer et apprendre. Favorisons le respect, l'écoute et la coopération. Des activités de groupe et des discussions sur les valeurs renforceront la cohésion. Ainsi, nous bâtirons un cadre idéal pour un apprentissage de qualité.
Ce climat de classe favorable se construit autant par la découverte des enseignants, des élèves entre eux, que par la pose de principes de vie. Cette année, outre le jardin des émotions dès le premier jour, nous avons :
cherché des cartes cachées dans la classe pour découvrir nos enseignants
posé des questions à nos camarades afin de mieux les connaître, puis synthétisé le tout sur des affiches que nous avons collées sur les fenêtres de la classe
expliqué avec nos mots quelques éléments primordiaux de la classe (élève, école, difficile...)
résumé ces éléments en 4 principes
Et surtout, nous avons pris le temps de vivre ensemble et d'expliquer les attendus.
De l’humour pour mettre une bonne ambiance (et huiler le tout)
Outil toujours apprécié à utiliser sans parcimonie : l'humour. Certains élèves sont impassibles aux premiers événements mais un trait d'humour marque d'un sourire leur visage fermé. Rire est le propre de l'homme, c'est bon pour la santé, alors utilisons-le aussi dans notre classe, surtout en ces premiers jours.
Souvent on m'a dit que j'étais sévère et rigolo... Qu'en serait-il, on ne me percevait que comme sévère ?
Des outils d’autonomie pour diminuer la charge de la gestion dès le début
Pour réduire la charge liée à la gestion d'une classe, il est judicieux d'introduire des outils favorisant l'autonomie dès les premiers jours. Ces outils peuvent inclure :
des routines (accueil, retour de récréation, rangements, jardin des émotions…)
des responsabilités partagées (joyeux services, assistant du maître,…)
des systèmes de gestion du temps et des tâches (plan de travail, Time Timer cloche, musiques…)
En développant leur capacité à autogérer certaines activités, les élèves allègent la charge de gestion pour l’enseignant, tout en gagnant en confiance et en autonomie. Sans parler de leur capacité à s’organiser !
Accompagner, sécuriser, autonomiser
Ces premiers jours, s’ils sont importants, ne sont rien d’autre que le commencement d’une longue période à partager. Les ingrédients qui la composeront doivent donc déjà s’y révéler :
accompagner l’enfant : faire avec lui, le soutenir, le guider, mais ne pas faire à sa place.
sécuriser : lui permettre de trouver sa place, de se sentir à l’aise, de savoir, peut-être par l’expérience, qu’il peut se tromper et apprendre de ses erreurs.
autonomiser : lui permettre de faire seul ce qu'on lui aura appris, non pas se débrouiller pour arriver seul à un objectif mais refaire seul ce qui lui aura été expliqué, ce qu'il aura fait avec nous.
Durant les premiers jours de classe, je ne me rue pas sur mon programme, sur des révisions, sur une évaluation des prérequis de mes élèves. Non, je tisse du lien, je pose un cadre de vie en commun, je nous réapprends à vivre ensemble. C’est un pari, raisonnable, me semble-t-il, qui pose les bases pour des apprentissages optimaux.