La CUA, vous connaissez ?
Si vous enseignez depuis quelques années vous n’aurez pas pu passer à côté de cette réalité : de plus en plus d’élèves sont au bénéfice d'aménagements, d'adaptations,...
Il y a de plus en plus d’élèves à besoins particuliers qui sont au bénéfice d'aménagements, d'adaptations, voire de programmes aménagés. En continuant ainsi - et en exagérant un peu 🙂 - l'enseignement individualisé n'est pas très loin !
La CUA, pour conception universelle des apprentissages, se veut une alternative à ces individualisations, en organisant les apprentissages de manière à donner à tous les élèves des conditions optimales d’acquisition des compétences.
La CUA est avant tout un état d’esprit où vous réfléchissez et anticipez vos actions, pour que les difficultés que pourraient rencontrer certains de vos élèves servent les apprentissages de tous.
Virginie Giraud-Augerat in Être prof
La représentation
Il s’agit d’anticiper les besoins de l’élève et lui donner, dès le début de la séquence, tous les éléments dont il aura besoin pour mener à bien leur apprentissage.
les objectifs de l'activité, la compétence à acquérir
le temps à disposition : le nombre d’heures, de jours, de semaines
des activités diversifiées : différents supports, différents types de tâches, des manipulations,… Cet élément se rapproche de l'enseignement flexible en utilisant les variables de structure, de processus, de contenus et de production.
des synthèses et traces des apprentissages sous des formes diverses : textes, schémas, illustrations, mindmap ou encore vidéo ou fichiers audio
les prérequis et les mini-étapes d'apprentissage
les critères de réussite : ils sont prévus et communiqués dès le début de la séquence comme je l’explique dans cette vidéo. Ils peuvent être résumés par une liste dans laquelle les élèves pourront cocher la case de chaque élément qu'ils pensent avoir acquis. Lors de l'évaluation, l'enseignant pourrait valider également ces éléments.
Prévus avant le début de la séquence, on veillera à ce que ces éléments soient disponibles tout au long de celle-ci, par exemple en les affichant dans la classe à un endroit réservé à ce genre d’informations.
Un enseignement relationnel
De John Hattie à André Tricot, en passant par Philippe Meirieu, les pédagogues s’entendent sur le fait que l’élément primordial en termes d’enseignement est la relation. Ce n'est donc pas étonnant qu'elle soit un ingrédient important de la CUA. Elle y prend plusieurs couleurs spécifiques tout au long de la séquence.
Tout d’abord, la découverte et les apprentissages sont sans cesse effectués dans un aller-retour entre les phases individuelles et mises en commun. Lors des regroupements, les élèves partagent leurs apprentissages. Petit à petit, cette communauté éducative passera des données aux stratégies, toujours sur le même modèle de l’enseignant animateur de discussion et des élèves apportant leur pierre à l’édifice commun.
Durant cette étape, prise de notes personnelles et synthèses visuelles ont la part belle.
Lors des activités individuelles, l’enseignant continue d’être en relation avec ses élèves pour les valoriser, leur donner des rétroactions rapides et pertinentes. Pour cela, le travail avec des plans de travail par exemple et l'autocorrection permet non seulement aux élèves de grandir dans leur autonomie mais à l'enseignant d'être disponible pour les soutenir dans leurs apprentissages plutôt que de passer trop de temps au bureau à effectuer différentes corrections.
Je ne vous cache pas que cela demande du temps et beaucoup de répétitions mais tous les élèves sont capables d’y arriver sur la durée. Je me fais ces mêmes réflexions durant chaque cycle : c’est fastidieux en 5e année mais comme c’est agréable en 6e année…
C’est un apprentissage comme un autre : l’autonomie ne se décrète pas, elle s’apprend !
L'engagement
Enfin, la CUA ne fait pas l'économie de la motivation et de l’engagement de vos élèves.
Engager ses élèves, c’est leur permettre d’apprendre ce que nous enseignons.
Il n’y a pas d’automatisme : ce n’est pas parce qu’une leçon est « bonne » que les élèves apprendront automatiquement. D’autant plus que, souvent, leurs critères ne sont pas les nôtres.
Cependant, nous avons des atouts à mettre en place pour avoir plus de chance que les élèves s’engagent :
aiguiser leur curiosité, par une situation de départ qui les captive
leur donner la possibilité d’être autonomes et responsables dans leur apprentissage
varier les activités dans leurs contenus, leurs processus, leurs structures et leurs productions.
Trop beau pour être vrai ?
Il y a quelques années, j’ai entendu cette affirmation qui m’a bien fait rire… jaune : quelqu’un écrivait que si les principes de choix éducatifs étaient appliqués à l’alimentation, nous serions tous morts empoisonnés depuis longtemps ! Les idées paraissent bonnes, mais manquent d’appui scientifique, voire simplement de confrontation avec la réalité.
Sans entrer dans le détail - Didier Goudeneuse le fait très bien ici - la CUA semble être plus une bonne intention qu’une méthode prouvée scientifiquement. Cela la place à côté des autres pratiques pédagogiques : à utiliser avec bon sens, sans exclusivité, et surtout : prendre le bon et rejeter le reste. Parce que le jusquauboutisme est rarement pertinent. Alors je vais retenir de bonnes choses et les ajouter dans ma boîte à outils pour construire mes prochains scénarios pédagogiques, sans avoir peur de faire quelques entorses à la règle pour souci de légèreté, de moyens, de réalité.
Retenir ce qui est bon, laisser le reste… ici aussi.
Je ne compléterai donc pas ce billet par une série d’autres vous expliquant comment mettre en pratique cette conception en étant le plus proche possible du dogme, en cochant toutes les cases de la méthode ou en étant parfaitement aligné avec ses principes, mais je reviendrai tôt ou tard sur ce thème, en vous expliquant comment j’ai intégré certains de ces principes à mes scénarios pédagogiques. Parce que si le moyen n’est pas parfait, il va dans la bonne direction : cesser de créer de multiples itinéraires particuliers en rassemblant le plus possible d’élèves autour d’un scénario commun prenant en compte les besoins de chacun.
En conclusion
La conception universelle de l’apprentissage insiste sur le comment on vivra un apprentissage, comment on mettra la préparation de séquence en action. Il s'agit d’une attitude à adopter, de réflexes à acquérir pour que les élèves puissent apprendre le mieux possible.
La préparation des éléments, l'accompagnement relationnel et la motivation continue leur permettront de s'engager dans l'apprentissage et d’augmenter leurs chances de réussite.