Arrêtez de jouer aux pompiers !
Pendant bien des années, je réagissais rapidement aux stimuli que je percevais dans ma classe, de la part des élèves ou, plus angoissant encore, de la part des parents…
Un élève qui n'avait pas compris et me voilà en train de réécrire toute ma séquence, voire ma planification complète ; un système classe perçu comme trop stressant pour une famille et me voilà à remettre tout le fonctionnement sur le métier ; un ou plusieurs élèves qui échouaient à une évaluation et je me mettais à douter de la qualité de mon enseignement...
Je remettais rapidement tout en question, pour résoudre le problème le nez dans le guidon, au coup par coup. Cela me demandait beaucoup d'énergie et me rendait très vulnérable. Mon hypersensibilité augmentait encore la notion d'urgence et la pression émotionnelle des problèmes.
J’étais à la fois inquiet, sur le qui-vive, et bien souvent épuisé par le nombre de tâches à effectuer. Mais pour moi, c’était normal, je ne savais pas qu’il était possible de faire autrement, de vivre son année scolaire d’une autre manière.
Cela a duré des années et la situation n'a pas changé du jour au lendemain.
Mettre le changement en route
Si le changement de manière de penser est un élément essentiel pour le changement de pratique, des éléments concrets peuvent l'accompagner.
On peut accuser réception d'une information induisant un changement à mettre en place sans tout changer le lendemain ou la semaine qui suit, que cette prise de conscience soit effectuée par soi-même – le plus souvent – par les élèves ou les parents. Par exemple, transformer mes plans de travail en ceintures de compétences m'a pris plusieurs années, à cause de la charge de travail que cette nouvelle pratique induisait.
Si l'on peut être prompt voire excité par la mise en place de nouvelles pratiques, on peut être vite submergé lorsque l'on gère trop de chantiers en même temps. Pour prioriser les éléments, je considère deux facteurs :
le nombre d'élèves impactés par le problème et pour lesquels la solution envisagée sera une amélioration.
la profondeur du problème et l'impact qu'il a sur les élèves, ainsi que la portée de la solution sur ces élèves. Les problèmes de nos élèves ne sont pas toujours dus au système classe ou à la pédagogie mise en place. Parfois, ce sont des données personnelles ou familiales et toutes nos adaptations ne pourront pas grand-chose dans cette situation (comme un manque de sommeil chronique).
Faire un pas en arrière et replacer le besoin de changement dans la grande image
de la classe
de sa gestion
du programme scolaire.
Cette analyse un peu plus approfondie de la situation permettra de mettre en avant des priorités et de garder d'autres besoins de réforme pour les mois ou les années à venir. Parce que...
Quelles que soient les réformes que vous mettez en place aujourd'hui, vous en aurez toujours assez pour les années suivantes !
Voir sa classe en système
Souvent, les feux – comme les difficultés en classe – se déclarent localement. Un élève est impacté, un type d'activité, un moment de la semaine, une matière, voire un pan de celle-ci. On peut passer sa vie d'enseignant à modifier, retoucher, améliorer chaque petit élément qui présente des faiblesses. Les uns après les autres. Jusqu'à l'épuisement. je l'ai fait pendant longtemps.
On peut aussi, comme le dernier point ci-dessus, faire un pas en arrière et considérer ce feu dans le contexte global de sa classe et, surtout, à l'échelle de tous ses élèves. Depuis des années, un nombre certain d'aménagements pour un ou deux élèves sont réalisés à l'échelle de la classe – comme lire les consignes pour les évaluations, qui dans leur immense majorité ne comportent pas cet élément dans les critères.
À la place de trouver une solution personnelle et souvent temporaire, je préfère approfondir le problème, voir en quoi il touche d'autres domaines ou d'autres élèves, plus ou moins fortement, et proposer ensuite une réponse plus générale, qui non seulement empêchera que le problème s'étende mais aussi qui le prendra à la racine et pas seulement en surface. À l’image du carrossier qui ne se contentera pas de remettre un coup de peinture sur une tâche de rouille mais qui poncera, creusera, résoudra et repeindra. Regardez Aurélien dans l’émission Wheeler Dealer et vous aurez de bons exemples !
Par exemple, il y a quelques années, une volée écrivait vraiment mal : les lettres étaient mal formées, les phrases dansaient sur les lignes et les taches ornaient la plupart des pages. J'ai donc remis en place un cahier d'écriture que les élèves n'ont pas aimé complété et que j'ai trouvé largement dépassé. Durant l'été qui a suivi, j'ai repensé le cahier en fonction des objectifs que je leur avais fixés et des éléments qui leur avaient déplu. Au final, après 2 ans, 4 cahiers sont publiés (et disponibles en ligne) et les élèves ont eu bien plus de plaisir à poser leur écriture de manière bien plus convenable, non seulement dans cet exercice hors sol mais également dans les activités quotidiennes telles que les phrases de la semaine, les dictées flash ou la copie de l'agenda, pour ne parler que de ces éléments.
Planifier les priorités
Depuis bon nombre d'années, je me fixe mes priorités pour l'année scolaire, parfois pour le cycle de deux ans pendant lequel j'aurai les mêmes élèves. Bien sûr, on parle ici de réformes importantes dans sa pratique de classe et non du changement de format de cahier pour les dictées ou de la couleur des pochettes de français !
Dans mes perspectives annuelles, je choisis quelques thèmes, que je désire creuser pendant l'année. Il peut s'agit d'éléments techniques (l'espace numérique d'apprentissage), pédagogiques (l'enseignement de la grammaire et de l'orthographe en lien avec les neurosciences) ou de gestion de classe (la mise en place du jardin des émotions). Je me limite à quelques accents majeurs qui feront la rentrée et donneront le ton pour le reste de l'année.
Avec cette pratique, je reprends en main ma classe, ma pédagogie, ma manière de fonctionner. Les alertes de feu continuent d'arriver, mais à moins qu'elles soient urgentes et importantes, et demandent une réponse immédiate – comme un très gros écart de comportement de la part de plusieurs élèves – je les note dans ma liste d'idées pour l'année suivante le plus souvent, parfois pour la période suivante s'il s'agit de redresser la barre rapidement.
Et oui, il m'arrive encore de travailler tout un week-end sur un nouveau projet ou une manière différente de faire. Mais c'est parce que je l'ai choisi, pas parce qu'il faut éteindre un feu.
L'enseignant n'est pas fait pour être un pompier, qui passe de feu en feu, laissant son énergie et son feu sacré sur chaque brasier. Il est plutôt un architecte, qui construit et rénove patiemment sa maison et qui pourra le faire jusqu'à la fin de sa carrière.
Je reconnais totalement l'animation et l'enseignement c'est exactement ce qu'on fait
Ça me fais penser a l'animation qui est synonyme d'enseigner parce que nous aussi on enseigne aussi a travers des ateliers on prépare nos cours on a des mallettes pédagogique et on intervient dans des classes en présence des maîtres/maîtresses et les cours particuliers aussi